Oct 29, 2008

Chantier & souvenirs en stock

Maison en travaux. Les souvenirs et un présent en chantier se télescopent sans complexe, et sans heurts : une fusion parfaite qui amène d’autres vestiges déferlant sans bruit.

Tenez, prenez la porte de la lingerie, où est encastré au milieu un rectangle de verre sablé. Avant, les meubles entassés obstruaient toute lumière. Maintenant, la pièce est vide, étrangement grise et blanche ; les échos y crissent presque sur la nouvelle couche de peinture. La nuit, une lumière presque liquide et aérienne traverse les fentes des volets et joue un bien curieux jeu de chiaroscuro dans la pièce qui y baigne, irréelle. La porte est fermée et dans le couloir, le verre sablé s’amuse à tordre un peu plus les quelques ombres qui flottent, l’air perdu et déplacé dans cette maison si propre, si nette.

Seules les ombres des arbres sur le carrelage blanc de la salle de bains gardent une lueur angoissante, des ombres presque gravées à l’eau-forte, et dont le bruissement se fait entendre, lointain, persistant, comme une vague qui déferle, insistante et aveugle, à travers les fentes mal calfeutrées du Velux. On lève la tête, avec la vague impression d’un malaise au bout des doigts ; on voit la lune, la pleine lune blanche, piquée sur une tête de sapin amaigri par un jeûne précoce.

Tout va bien – on pourra aller se recoucher sans bruit, sans laisser au froid le temps de s’immiscer dans les veines.

Ou encore cette nouvelle ampoule dans la chambre, en attendant un lustre plus en accord avec la décoration. Le premier lustre était une espèce de grand parasol en papier, disposé à l’envers, qui diffusait une lumière tamisée, très douce pour guérir les yeux brûlés par les néons de la journée.
Maintenant… une unique ampoule ; une lumière crue, blanche et bleue. Aucun coin d’ombre, aucun moelleux (Diderot – leave this pen alone, will you ?); chaque recoin est anguleux, cisaillé, précis, net. La chambre est devenue chambre d’hôpital.

Mais il y a tout de même le nouveau tapis cramoisi, d’un beau rouge vivant qui se perd en chatoiements pourpres. Il y a aussi le rouleau de moquette neuve dans lequel sont enroulés tous les souvenirs d’un déménagement il y a maintenant… 9 ans. Dieu que le temps passe vite. Mais rien n’a changé – l’odeur de la moquette neuve est toujours aussi familière, toujours aussi douce ; elle amène avec elle celle de l’encaustique, omniprésente dans les maisons américaines vides, en attente d’habitants. Le bois blanc, effet “ancien” et les rideaux en dentelle beige.

C’était le premier Halloween que nous passions là-bas. Nous venions à peine d’arriver – nous préparions la maison. Restée seule dans cette maison qui me paraissait immense, merveilleuse, qui promettait beaucoup. Papa installait les tiroirs de la cuisine. Et toutes les cinq minutes – la sonnette et “Trick or treat !” Je regardais, un peu émerveillée, ce cortège de costumes qui venaient réclamer leurs bonbons, des costumes ridicules, beaux, farfelus, intrigants, soignés, repoussants qui semblaient se mouvoir à merveille dans leur élément nocturne.
Et savoir que le matin suivant, les rues seraient tout à leur prière silencieuse, décharnant un peu plus leurs arbres marrons, pour le Jour des Défunts – squelettes végétaux sous un ciel roulant et gris, peut-être une matinée d’école, les acorns à chercher sur le chemin ; tout cela démentirait le carnaval bariolé qui s’était déroulé la nuit d’avant.

A part, peut-être, quelques sacs en forme de citrouille oubliés sur le côté du trottoir.

Oct 28, 2008

I want to be a part of it... [Un jour, j'irai à New York avec toi]

Si je vous disais que New York, c’est bien plus qu’un rêve, c’est comme un amour dont on conserverait le souvenir dans de vieux albums fanés, comme une mèche de cheveux dans un pendentif ancien, comme un parfum qu’on garde au creux des poignets…

Cela va faire un an et des poussières de mois que j’y suis allée pour la première fois – le souvenir en est encore intact, à vif, bourdonnant de vie, comme une guitare qui ne demande qu’à être jouée. Vous comprendrez assez vite que je suis tombée amoureuse de la ville. NYC, ça intoxique.

Après une semaine dans la « ville qui ne dort jamais », vous devenez irrémédiablement addicted. Et après... NYC continue à hanter toutes les villes qu'on peut traverser. Les taxis, comme une plainte lancinante; les odeurs mêlées de goudron et de nourriture; le tourbillon des couleurs; et Broadway, toujours, toujours Broadway...
Mon rêve? Passer une année complète à New York... pour l'été (NY Juillet), pour l'automne (Octobre à New York), pour l'hiver et la saison des fêtes (Noël sur Times Squaaare, et de nouveau un mocha sur Broadway pleaaase...)







Oct 27, 2008

Des fleurs qui se cachent pour mourir

Les fleurs, quand elles se fanent, acquièrent une sècheresse agréable au toucher ; à peine effleurées, elles bruissent d’un craquement qui rappelle les vieux cahiers recouverts d’une écriture serrée, fine, une écriture de femme à l’encre bleue qui vire au noir, les vieux tissus qu’on retrouve au fond des malles, après un long assoupissement. L’odeur est la même aussi, féminine, vibrant d’une ‘antiquité’ fragile, une eau de toilette qu’on aurait oubliée derrière une pile de livres sur la coiffeuse, et qu’on retrouverait bien plus tard, un flacon à l’ancienne, lourd et pourtant si finement ciselé.

Les hortensias devant la maison ne font pas exception. De fuchsia, ils sont devenus beiges, striés de marron, presque translucides. Les pétales tombent facilement, comme si la plante égrenait, en appui sur des tiges bancales, bientôt mortes, ses dernières volontés avant le repos de l’hiver.

Hier encore, je n’ai pas su dire si les hortensias pleuraient des pétales ou des papillons.

Oct 24, 2008

JAPD, ou Journée d'Apprentissage du Pire Désoeuvrement

Voilà. Je remercie l'Etat français qui m'a permis d'assister à la Journée d'Appel à la Préparation de la Défense pour m'enseigner que le mot pijule n'existe pas.

Si, si. Ce n'est pas une blague. Si vous ne le saviez pas, je vous l'annonce.


Blague à part, ce fut une journée grise à tout point de vue. La caserne en brique rouge, les arbres squelettiquement marrons, le bitume gris, les uniformes bleu marine, les manteaux noirs, les treillis khakis, le tout dilué dans une sorte de bruine, aux gouttes fines et perçantes.

Ce que j'en ai retenu? Un moment, comme fixé au polaroïd: quelques feuilles d'un vert étonnamment jeune sur le parking. Ah oui, et j'étais assise à gauche d'un beau gosse. Qui avait l'air plus doué que le reste des gens. (Ce qui n'est pas bien difficile, me direz-vous, mais bon, vous conviendrez qu'un tel voisinage n'a rien de désagréable pendant une journée comme la JAPD.)

A propos de rien, un goût sur les lèvres qui reste, celui d'un mocha sur Broadway.
Et la pluie qui brouille les phares rouges des camions; un parapluie vert acidulé qui s'attarde devant une vitrine, et repart vers Central Park.

Oct 22, 2008

S'il fallait tout expliquer...

C'était peut-être début automne. Ces moments hésitants entre une langueur d'été et un bruissement d'automne. Quelques arbres balbutiaient du roux, mais la plupart avait réussi à retenir encore un peu plus longtemps leur feuillage. On en était encore au matin, une aube qui s'attardait, légère, en pollen bleuté. Le soleil à travers les frondaisons, comme autant de fractales.
La rosée s'agglutinait à l'herbe. Il arriva de l'autre bout du pré, à contre-jour, une silhouette qui se rapprochait, se précisait. Il était en tenue de cheval, une cravache à la main. Le cheval le suivait. La cravache claqua une fois dans l'air qui oscillait entre infime sècheresse et infime humidité.
Un claquement, et l'atmosphère s'ouvrit en un crissement abrupt, une fine plaie mordorée, béante le temps d'une poussière de seconde.
Il continua sur le chemin, sifflant parmi les touffes de mauvaises herbes.
Bien plus tard, quand j'ai relevé la tête de la guitare, je me suis aperçue qu'il avait bruiné.






PS: of course, this doesn't mean anything.

Je me suis rendue compte que l'existence de travail en prépa augmentait le temps que je consacrais à des articles et diminuait celui que je consacrais à l'écriture de poèmes. Et inversement, quand je n'ai rien à faire en vacances, je privilégie les poèmes au détriment du blog. Voilà, c'est tout. Ca ne servait à rien, mais je voulais le dire.

Et les images qui m'arrivent du monde ces temps-ci sont surprenantes. Toutes en noir et blanc, aux angles adoucis, un peu gommés, recouverts d'une espèce de patine verbale, avec quelques points de couleur qui se détachent, nonchalants. Les yeux verts dans le miroir. Les escarpins rouges dans la rue, hier. Le ciel bleu d'automne à travers la fenêtre pendant les heures d'examen. Les dessins bleu pâle sur la boîte en fer blanc, celle où on met les bougies pour les gâteaux d'anniversaire. Les Ferrero Rocher et les Mon Chéri, maintes fois ré-arrangés, toujours en vrac. Et les boucles d'oreille en ambre sur la commode, que je n'ai toujours pas rangées.

Dois-je encore expliquer pourquoi j'aime tant le jazz? Ca me réchauffe les doigts quand j'ai passé trop de temps à taper à l'ordinateur les dissertations. Et quand on dit jazz, tant de mots se téléscopent pour rendre compte de sa richesse. New York, blues, automne, mocha, terrasse d'un café, et ainsi de suite. Tous ont une saveur si particulière que je m'en veux de les dire tout haut. C'est un peu une trahison.

Je lance un appel désespéré: quelqu'un aurait la chanson Gate 22?

Oct 21, 2008

Taggin'

Profitant d'un creux dans les révisions, je réponds au tagging de Ultra Bee, abeille khâgneuse éminente, que je remercie de m'avoir citée dans son 'top 7'... Et je profite donc pour vous dresser une liste des petits bijoux que j'ai trouvés sur le web...


Je déclare en passant Mimy hors-compétition puisque déjà taggée, ainsi que Khâgneux en voie de réinsertion, pour la même raison.


7 promis, 7 dus, les voici donc:
  • Je t'emmène avec moi? : Tout simplement parce que. Dans la salle des pas perdus, je retrouve les échos de Maulpoix. C'est là que je viens pour retrouver un peu de tranquilité d'esprit.
  • L'attente : Il y a quelque chose d'inaltérable dans ses mots. Elle réussit à saisir des moments pour leur donner une résonance universelle. A chaque fois que je lis ses textes, je pense: 'Et voilà. C'est ça que j'aurais voulu écrire.' Et puis, elle aime le mocha et Boris Vian.
  • Nanis : Parce que c'est elle, parce qu'elle aime les haïkus, parce qu'elle sait toujours cristalliser l'évasion dans ses mots, et que chaque article est toujours une synesthésie réussie entre texte, musique, et photographie.
  • Maéva : Parce que c'est elle aussi, et oui, la vie est une carotte, et c'est Tchékov qui a dû dire ça, mais en fait il n'a rien fait que copier sur M. Maillard.
  • Un Balcon en Forêt : Des collages et des textes magnifiques. Une autre dimension. La nostalgie, la mélancolie comme je les aime.
  • Lettres en l'air : La poésie surréaliste et vertigineuse à la fois. On s'en veut de parler, après coup.
  • Cavatine : "Cavatine", et ça vaut toutes les explications. Si vous tenez vraiment à le savoir, ce mot est un de mes préférés.

Voilà. 7 que j'ai désignés sans ordre spécifique, mais que je n'irai pas taguer; si on vous demande pourquoi, vous direz que vous n'en savez rien.

N'est-ce pas?

Oct 18, 2008

Post-scriptum


Aujourd'hui: les premiers Ferrero Rocher de la saison.

5h de DS sur Gargantua. La boîte en fer pour les sachets de thé Beatrix Potter. Les dernières notes de Gate 22.
Je pourrais vous dire que j'ai été boire en ville un mocha brûlant, qu'il a neigé à peine mais juste assez pour donner une apparence de légèreté aux gratte-ciel.
De toute façon, comme le dit Fellini: For me, the things that are most real are the ones that I invented.

Autumn Musings

Envie d'un peu de tout et de rien à la fois.

Il vaut mieux que je l'avoue d'emblée: je n'ai plus d'inspiration. Des idées très fugitives, qui tentent de baliser de nouveaux chemins dans l'esprit, puis très vite y renoncent. En ce moment, je préfère les grands espaces où on est partout à la fois. J'aime me perdre pour mieux ne plus me retrouver.

Se forcer à écrire, ça fait trop mal. Non à la manière du sel qu'on frotterait sur une blessure à vif, mais à la manière d'un coeur qui se contracte péniblement, d'une migraine qui enserre toujours un peu plus les tempes, sournoisement.

J'ai envie d'aller voir la mer.

Finalement, la mer du Nord en hiver, grise, froide, ça pourrait guérir. Du moment qu'il n'y a personne sur la grève.

Ou un village à l'écart, l'automne, les roses d'automne dont le rouge tranche sur la brique ocre et grise. Des odeurs de feu de bois. Il fait juste un peu frais. Ciel de plomb.

Je verse un peu dans les réminiscences, mais lorsqu'on vit principalement dans un monde fabriqué de toutes pièces, avec des morceaux de tissu retrouvés dans ce que les autres ont laissé sur le bord de la route...

Je ne finis pas les phrases. Texte aléatoire. Il faudra bien s'y faire.
Ne jamais achever. Tout est dans le mouvement.

Bonsoir.

Oct 11, 2008

(aparté)

[I'm alright baby
I've just got you
somewhere on my mind
...]

Oct 5, 2008

Pluie du dimanche

On finit par s’habituer à tout, même au Nord. Dimanche matin, 8h, les grandes bourrasques, la pluie qui déferle en lames et qui, dans le vent, prend un aspect fantomatique, les livres qui s’entassent, les parfums de café en bas… On se croirait en novembre. Cela en devient presque agréable d’aller en cours, de prendre les notes au chaud tandis que le froid se casse les dents sur les toits métalliques, au-delà des vitres.

Salle 107. Une seule fenêtre, haute et étroite. De l’autre côté de la rue, la chapelle du lycée catholique d’en face, à demi-cachée par un arbre qui résiste encore à se faire dépouiller. Les teintes : gris plomb pour le ciel, marron pour la brique, vert sombre pour ce qu’il reste de l’arbre. Le tout a un petit air d’Oxford.

Les tenues d’hiver ont du charme. J’ai hâte d’être en décembre, pour pouvoir descendre en ville à midi, skipper la cohue de la cantine et me balader dans le froid. Bientôt les rues décorées, les parfums des fêtes, ces épices d’hiver.

J’ai vidé entièrement les malles que j’ai trouvées dans les recoins. Des cartes postales, des vieux livres, beaucoup de musique aussi, et des souvenirs de la salsa.

Je n’en demande pas moins, pas plus.